Rien - 2

 

         Yugo Solo et ses copains l'ont annoncé depuis longtemps : Rien est mort. Ou c'est tout comme : en suspens, puisque la disparition programmée se fera après 3 EPs dont deux sont déjà sortis, 3 en 2012 et ce 2 qui précède 1 qui sortira en 2014 et qui sera la dernière trace de discographique du groupe avant qu'il ne tombe dans le néant et l'oubli général.

Pourquoi procéder ainsi ? Cela a-t-il un sens ? Pour ses membres sûrement, puisque depuis sa création, le groupe s'est évertué à ne pas faire comme tout le monde, tout en apportant un soin particulier à tout ce qu'il a créé. Oui, avec application, ils ont travaillé sur tout pour devenir un véritable concept. D'un point de vue musical, ils ont réussi l'énorme défi que représentait la capacité à être novateur, original et décalé tout en restant parfaitement accessible. Et en passant, ils ont créé leur propre univers.

 

Même l'annonce anticipée de leur séparation est un concept en soi, tout à fait représentatif de ce qu'ils sont : prêts à violenter les règles et à ne rien faire comme tout le monde. Qui a déjà fait ça, hein ? Qui ? Et après tout, l'annonce de ce split, trois ans en avance, avait quelque chose de rassurant : on allait pas faire durer pour le plaisir, juste pour dire que. Aller voir ailleurs, c'est encore la meilleure façon de se renouveler. Un sabordage, donc, qui ne pouvait faire que des heureux : il est facile de comprendre que la formule trouverait vite son niveau d'essoufflement. Sans doute Rien l'a-t-il senti venir…

 

           Bref. En tout cas, au départ – s'il nous est permis de faire un petit retour en arrière - le placement marketing était serré. De loin, une musique poético-onirique qui ne se prenait pas au sérieux, avec des relents de post-rock si prononcés que le groupe avait dû faire une déclaration officielle dans laquelle il refusait toute filiation avec le genre, il fallait avouer que cela ne faisait pas envie. Pourtant, et parce qu'ils y sont allés à fond, il n'ont pas loupé leur coup. A l'aide de mélodies aériennes du meilleur goût et d'instrumentations soignées, ils ont fait leur trou dans le paysage musical. Et même lorsqu'ils abandonnent le format LP pour publier 3 qui n'est qu'un 4-titres, ils arrivent à opérer une mue subtile pour coller au format et par la même occasion, remettre les choses à plat pour repartir dans une autre direction.

 

rien

 

Mais c'était à prévoir, le système a ses limites. Et il est difficile de continuer à faire vivre une telle entité que l'on a délibérément mise sous respiration artificielle. Sans doute parce que les membres de Rien préfèrent aujourd'hui se consacrer à des projets qui sont passés d'à-côtés à préoccupation principale, à l'image de Câlin, une sorte d'hybride qui mise sur l'électro-rétro en piquant les plans de Jean-Michel Jarre et de Moroder.

L'effet de surprise créé par 3 avait sans doute joué en sa faveur au début : on retrouvait Rien avec un son nouveau et des compositions beaucoup plus synth-rock. Mais une fois cet étonnement passé, il fallait bien reconnaître que leur truc tenait la route plutôt pas mal.

 

Le problème de 2 est que l'on est beaucoup dans la redite et le déjà-entendu. Chose inédite pour un groupe qui avait montrer son désir de surprendre, de jouer sur les contre-pieds. Bien que les attentes soient revues à la baisse par la force des choses, 2 déçoit par son manque d'allant et ses clins d'œil lourds ("Autobahn love" faisant clairement référence à Kraftwerk). Certains passages sont beaucoup trop familiers à l'oreille pour être honnêtes, trop ennuyeux (sur "Interstellar Drift"), ou finissent par être difficilement supportables ("La chute de Satan").

Quoi de si étonnant après tout, après s'être réorienté vers le synth-rock pour un projet en fin de vie, que le groupe accuse un coup de mou et que tout ne soit pas parfait au poil de cul prêt.

 

Mais cet EP fait envisager les choses autrement, moins sereinement, et notamment pour la sortie de 1, que l'on préférerait voir comme une apothéose que comme une demie molle. On se redemande alors, si c'est pour un tel résultat, pourquoi procéder ainsi et se mettre dans une situation délicate ? Peut-être le groupe a sa petite idée derrière la tête, et qu'il s'est mis en pause, pour mieux réussir sa sortie. C'est tout ce qu'il reste à souhaiter.

 

2013 - Amicale Underground