Ventura - Ultima Necat

 

J’avais trouvé We Recruit, leur album précédent, sans grand intérêt. Les chansons y tournaient en rond sans but ni originalité du début à la fin. Les paroles étaient insignifiantes et enclines à une provocation inutile dans le meilleur des cas, au pire de mauvais goût avec par exemple un « 24000 people die everyday … fuck them all » mis en valeur pompeusement comme s’il s’agissait d’une révélation universelle. Une forme de rébellion adolescente mal placée, un peu particulière. A cela il fallait ajouter le traitement du son qui écrasait et arrondissait beaucoup trop guitares et batterie, comme si un ingé son en stage s'était endormi sur la compression. Finalement le tout me semblait gonflé au botox comme les lèvres d’une couguar. Album artificiel.

Pour Ultima Necat, Ventura a repris exactement les mêmes ingrédients, sauf que cette fois, ça marche parfaitement. L'esthétique est pourtant très similaire : même nappes de guitares – plus épaisses encore, peut-être – sonorités rondes et larsen en retenue, titres lents et chant posé, avec une fois de plus Serge Morattel pour passer le polish. Mais l’effet produit est pour le coup radicalement différent. Ventura a réussi à créer une atmosphère réellement lourde et pleine de désespoir. Et de cela, on est prévenu dès le début : le premier titre instrumental "About to Despair" annonce la couleur. Il est joué au ralenti, laissant longtemps sonner les quelques accords dont il est composé.

 

Ventura – Ultima Necat

 

Par la suite, avec une musique simple et des paroles finalement assez rares, le groupe remplit le vide et emporte l’auditeur dans une spirale de noirceur. Frustration et espoirs déçus. Il faut dire que l'album a été composé à un moment ou le groupe n'était pas au mieux de sa forme. Et pourtant, paradoxalement, si les paroles et le rythme pesant sont oppressants, on ne peut s'empêcher de se sentir exalté, apaisé.

"Little Wolf" et ses larsens de fond sont un exemple parfait de la maîtrise de Ventura en matière de composition. Ca commence doucement, puis ça s’emporte et finit par bifurquer brutalement, ce qui est souligné par le chant : « We’re drifting », comme si dans son désespoir le groupe se laissait partir à la dérive sans pouvoir se retenir. Et pourtant il avait essayé d'être rassurant, au départ, en chantant ‘‘It will be alright’’ et autres, mais on ne le croyait déjà plus.

Un autre aspect du talent de Ventura s’exprime dans la trilogie "Body Language", "Intruder" et "Amputee". "Amputee" est à la fois le pivot de l’album et son point d'orgue. S'étalant sur plus de 11 minutes, elle prend aux tripes dès le départ et ce n'est pas sa longue partie instrumentale qui fait baisser la tension qui a été installée dès le départ, bien au contraire. Cette chanson, comme l'album entier d'ailleurs, agit comme un filtre dans notre perception du monde extérieur. A la différence de la musique inoffensive, elle influe sur notre humeur, change notre état d'esprit. Peut-être pas pendant longtemps, mais peu importe. Et peu importe que la fin du disque soit plus anecdotique : avec Ultima Necat, Ventura réussit à donner du ressenti, à soumettre une musique qui a une âme. Et ça, à tout point de vue, il n'y a pas à tortiller, vous pouvez vérifier dans le dictionnaire, c'est de l'art.

 

 2013 - Africantape