Calva - Sacrifice

Troisième exercice du groupe palois après un Cactus Costume sorti en 2008 et un split avec les excellents italiens de Io Monade Stanca en 2010, Calva avait jusqu'à présent oeuvré dans le rock tendance noise expérimental sans pour autant vraiment sortir des sentiers battus. Avec Sacrifice, Calva renverse la table. Cet album fragmentaire suit le cours de leur délire sans queue ni tête et, comme le groupe fonctionne à l'envie, il instille de petits éléments épars, par-ci, par-là, comme un coup de trompette, quelques featurings, s'offre un petit break lorgnant vers le surf ou titille un vieux clavier. Cela donne un peu de couleur a leur rock brut, si brut qu'il donne parfois l'impression d'être brouillon, mal dégrossi. Mais la réalité c'est que Calva extériorise une énergie débordante sans chercher à la canaliser. "Dolcetto", introduction déroutante, le prouve parfaitement : le titre part dans tous les sens et regorge tellement d'idées qu'il en devient difficile à suivre. A l'opposé, l'instrumental "Trompette de la Mort" fait figure de titres sage et carré : Calva a ici poussé sur la mélodie et emprunté au synth-rock, les rapprochant d'un Trans Am période 96 – 97. Aucun temps mort, pas de diminuendo : "Rubik's Cube" pourrait pourtant en donner l'impression au début, mais cela ne dure pas : le morceau fini par nous bousculer, comme les autres. Certains ont parlé de la sécheresse du son de Calva mais il est épais au contraire, et la guitare baryton d'Arnaud Millon tirent les fréquences vers le grave pour engluer encore un peu plus le tout. Dans le registre, "Rosemary", chanté par Caroline Blanchet de Choochooshoeshoot, est tout en tension et en frustration, peignant un univers Lynchien.
Les seuls points faibles, les endroits où la formule ne prend pas, c'est pour "Swamp King", "Macadam" et "Robocop". "Robocop" : Fred, chanteur de Kourgane, à beau gueuler comme un animal et se faire aider d'un vocoder, le titre ne décolle pas vraiment et laisse sur sa faim. Heureusement, l'excellent "Blank Shooter" rattrape le coup juste après.
Voilà c'est la force la faiblesse de Calva. Le lâcher prise, la perte d'inhibition permet de se défaire de ses propres besoins de repères et de stabilité. Les moules, on se contorsionne parfois pour rentrer dedans et on les qualifie pudiquement d' "influences", elles nous seraient tombé desoous est une douceur est tombé dessus comme la rosée fraîche du matin – mensonge ! La musique de Calva n'est pas faite pour s'épanouir dans le carcan d'un support physique, fût-il en polychlorure de vinyle. Elle est faite pour exploser en live et c'est là l'apanage des groupes libres.

 2012 - A tant rever du roi Records