Electric Electric - Discipline

Avec Sad Cities Handclappers, leur premier album, Electric Electric avait immédiatement montré une identité forte en proposant une musique très particulière et à la croisée de plusieurs styles, une musique qu’ils définissent eux-mêmes comme de l’ ’’epileptic dancing noise’’ et, honnêtement, on est pas loin du compte. En bons enfants du siècle, les trois membres ont digérés leurs influences électroniques (tendance minimaliste), électriques, africaines ou expérimentales pour régurgiter des instrumentaux puissants faisant état de leur savoir-faire en terme de composition et d'arrangements. Leur sens mélodique rendait l'amalgame parfaitement cohérent et l'utilisation de longs instrumentaux leur permettait de s'amuser à faire migrer leur musique de façon parfois étonnante, quitte à virer au bruit le plus inaudible. Il n'y a qu'à écouter "Bamako" pour s'en convaincre. C'est donc peu dire que le deuxième album de ceux que les Inrocks ont bêtement réduits à des Battles français était attendu avec une grande excitation. Merde.


Si l'on voulait tergiverser longtemps et employer les grands mots pour décrire cet album, on pourrait parler d’une forme de musique abstraite. Les voix ont complètement disparues, les mélodies, qui étaient indéniablement leur atout, aussi. Ne subsiste plus qu'une sorte de matière sonore qu'Electric Electric s'est employé à modeler. On pense parfois à Fuck Buttons, Health ou oui, effectivement, aux Battles, mais très fugitivement, car les morceaux de ce Discipline se font un malin plaisir de ne ressembler à aucun autre. Electric Electric détourne ses influences et les transforme pour créer quelque chose qui lui appartienne entièrement.


Le problème, c'est que tout ça est complètement hermétique et, dans la plupart des cas, à la limite du supportable : les structures tournent en rond et s'étendent sur de longues minutes répétitives sans que rien - ou peu - ne change et on a bien du mal à comprendre où Elecric Electric a voulu en venir.
S'il y a un terme qui pourrait être employé pour qualifier ce Discipline, c'est celui d’« industriel ». On entre dans cet album comme dans une usine bourrée de machines-outils bruyantes qui s'emploient à vous faire devenir fou. La constante et persistante répétition des mêmes accords, des mêmes notes, du même son a progressivement raison de nos référentiels musicaux pour prendre brutalement une tournure véritablement métallique et agressive. La batterie est alors devenu une presse qui nous broie les os, la guitare vous surine les oreilles comme une perceuse, c'en est insupportable.


Au fond, là-bas, ça devient un peu reconnaissable, il y a un peu de Sonic Youth (est-ce "Pacific Ocean Coast" ?) mais ça disparaît aussitôt, vous laissant seul et désemparé. Vous n'avez plus qu'une obsession : sortir de là au plus vite avant de véritablement perdre la tête. Ouf, la musique s'arrête, on est à la maison. Tout va bien. Et de se rappeler que sur leur précédent disque il y avait déjà des signes de cette migration à plusieurs reprises, à partir de ‘’La Motta’’. On les avait pris pour des digressions, des morceaux un peu bouche-trou pour remplir l’album et donner un peu de consistance. Las, il s’agissait de véritables tentatives, d’une direction vers laquelle lorgnait le trio du coin de l’œil l’air de dire « cap ou pas cap ? ». Ils étaient d’ailleurs restés beaucoup moins jusqu’au-boutiste. Dommage, c’était beaucoup plus intéressant.

 

2012 - Africantape, Herzfled, Kythibong, Murailles)