Trupa Trupa - Jolly New Songs

trupa trupa jolly new songs pochetteTrupa trupa. Mais quelle est cette manie des noms fait d'un mot répété deux fois ? Talk Talk, The The, Django Django, Girafe ? Girafe !, Clara Clara, Electric Electric, Jean Jean, Timber Timbre, Xiu Xiu, Zombie Zombie, Guru Guru, et j'en oublie ? Y a-t-il une invocation mystique particulière qui expliquerait une telle contagion ? Plus sérieusement : est-il désuet de se demander pourquoi il existe une telle litanie de noms faits de doublons ? Bref.
L'excitation qui avait successivement entouré la diffusion du titre "To me" puis "Coffin", additionnée à l'information que la diffusion de l'album allait être effectuée par le label 'Ici, d'ailleurs' - gage de qualité - avait largement de quoi éveiller la curiosité. Mieux, l'émulsion dont ce disque était le centre, donnait envie d'aimer cet album sans l'avoir encore écouté. C'est bien le but d'une promo, non ? Et il est si facile et inoffensif de baisser les armes et de se laisser conquérir, de se joindre à la cohorte d'éloges. Il y aurait de quoi d'ailleurs : les deux titres sont bons, le label est exigeant, la critique est dithyrambique. Lorsque tous les éléments s'y mettent, pourquoi ne pas se laisser emporter par l'enthousiasme général ? Et puis après tout ce n'est que de la musique et tout cela est, à l'échelle du monde, sans réelle importance, et même insignifiant. Ce ne serait pas très grave en soi, et personne ne le remarquerait. Alors pourquoi résister alors qu'en se joignant au cortège, on pourrait faire d'une pierre deux coups : passer pour quelqu'un d'un goût sûr, éviter de passer pour celui est completement à côté de la plaque, et ne pas se mettre à dos un groupe et le label, qui a prit des risques, financiers notamment, pour le faire connaitre.


Mais comment alors ne pas avoir ce sentiment collant d'être malhonnête gratuitement en s'alignant avec hypocrisie à la liste de ceux qui encensent cet album. L'estime de soi tient évidemment de ce que l'on a tracé dans sa vie, aux grandes réalisations mais aussi, je serai prétentieux de revendiquer l'apprendre à qui que ce soit, aux petits moments, à ces petites phrases qui font qu'au quotidien, on devient quelqu'un d'autre. Quelqu'un qui ne laisse pas voir de lui-même ce qu'il est vraiment, car il efface ces petites lâchetés, ces petits mots de travers, ces défauts dans son comportement ou dans ses paroles, parce qu'après tout, ce ne sont que des petits accidents de rien du tout, ce ne peut être une définition.
Or c'est bien de compromission qu'il s'agit. De comment elle naît, comment elle se propage, des effets qu'elle peut avoir, de ce qu'on peut espérer en tirer. Parce qu'il faut bien, de manière supposée ou réelle, en tirer quelque chose. Et même pour une petite critique d'un petit disque d'un petit label sur un petit site de rien du tout, cette compromission serait beaucoup trop écrasante, fruit d'une faiblesse qui engendrerai une tromperie, quand le nerf de la guerre est justement de profiter de cette liberté de dire que l'on a envie, pour une fois, pleinement.

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Alors voilà de quoi il s'agit : d'abord, on peut lire que ce Jolly New Songs tient des Pixies, de Pavement, de Sonic Youth. C'était peut etre vrai pour l'album précédent, mais celui qui écoutera ce disque avec cette idée en tête sera forcément déçu. Dans un autre article, on peut lire que cet album superbe à la poésie chamanique tient du Pink Floyd période Syd Barrett. Il faudrait voir à se mettre d'accord. Là-bas, un site qui à pignon sur rue pose d'office l'affirmation suivante : puisque le chanteur est un poète qui a publié plusieurs recueils, alors ce groupe est génial.
La réalité est malheureusement loin de tout ça, et l'impression ne peut s'empêcher de poindre, de faire son vicieux petit chemin que, parce que Trupa Trupa est un petit groupe de rock indé polonais, il faudrait absolument l'épingler dans son salon comme on exhibe des photos de vacances et leur exotisme forcé. Et puis on en connaît tellement peu, de groupe polonais, qu'on ne saurait être méchant avec ces gens-là - c'est-à-dire que, comme dire ce que l'on pense pourrait etre pris comme de la méchanceté, on préfère être un tantinet hypocrite, quitte à carrément tomber dans le versant opposé. Mais tout simplement, peut-être qu'après la sortie de l'album Headache, les critiques se sont dits : "le suivant ne pourra être que dans la même verve, voire encore meilleur !" Et pénétrés de cette idée, ils ont écouté ce nouvel album à travers un prisme forcément déformant.

Pour en venir au coeur du sujet, Jolly New Songs est, dans son ensemble, un disque peine-à-jouir. Peu ou prou, chaque titre est englué dans une mélasse qui le retient de vraiment partir. Ca se traine sans pouvoir s'émanciper, et brode autour d'une idée de départ en allant rarement assez loin. Pourtant, précédemment auteur de deux albums très honnêtes où l'on retrouvera déjà beaucoup plus de pêche montée de Sonic Youth et de Syd Barrett, on ne peut simplement s'empêcher de penser que les membres de Trupa Trupa ont voulu créer une rupture, tenter de nouvelles choses, mais qu'ils se sont plantés de direction.

Il y a pourtant quelques bons moments, comme cette intro de "Leave it all" qui fait penser à celle du "Better man" de Pearl Jam, ou bien cette outro de "Mist" qui constitue l'un des rares moments où le groupe se lâche un peu, et qui évoque, pour le coup, Blonde Redhead. "None of Us" quant à lui, est plaisant de bout en bout, prit en sandwich entre un "Never Forget" caverneux et un "Only Good Weather" horripilant. Enfin, "To Me", dernier et meilleur morceau de ce disque qui, s'il avait été intégralement de cet acabit, aurait été de haute volée. Mais voilà, c'est trop peu, et c'est trop tard.